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L'Actualité juridique - Mars 2022
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- Les commentaires
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L'édito
LA GRANDE SÉCU, C’EST QUOI ?
La « grande Sécu » a surgi dans le débat public cet hiver.
Saisi par le Ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, de l’amélioration de l’articulation entre l’assurance maladie obligatoire (AMO), en d’autres termes la couverture santé de la sécurité sociale, et les complémentaires santé, le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie a imaginé plusieurs scenarii. À côté du premier qui rendrait la complémentaire santé obligatoire pour tous dans un cadre mutualisé et du deuxième qui dissocierait les frais de santé pris en charge par l’AMO et ceux relevant des complémentaires santé, le troisième étendrait le champ d’intervention de l’AMO à la part actuellement prise à charge par les complémentaires santé, dans la limite de la base de remboursement de la Sécurité sociale (BRSS). D’où l’appellation « grande Sécu », cette dernière ayant précisément pour effet de supprimer le ticket modérateur ou reste à charge. Cette troisième proposition a particulièrement suscité l’attention et le débat car, au-delà de la formule frappante, d’une redoutable efficacité politique, elle exprime une idée renouvelée du modèle social de prise en charge des soins qui, peut-être, se concrétisera dans un avenir proche.
Une formule, presqu’un slogan. L’appréciation, qui peut paraître sévère, s’explique par la crainte que l’image très positive véhiculée par la grande Sécu ne soit en réalité qu’un leurre. Peut-on en effet raisonnablement penser que, dans notre système de santé libéral qui admet les dépassements d’honoraires et l’exclusion de certaines prestations de santé du périmètre de la BRSS, une éventuelle grande Sécu parviendrait à garantir à chacun une absence totale de reste à charge dans son parcours de santé ? L’hypothèse n’est pas sérieuse. La liberté reconnue aux professionnels de santé conjuguée à la limitation inévitable des prises en charge aujourd’hui par l’AMO, demain par une éventuelle grande Sécu, aura pour effet que certaines dépenses continueront à peser sur les usagers du système de santé.
Une idée, voire une idéologie. L’idée d’une grande Sécu absorbant l’actuel ticket modérateur est séduisante. Mais peut-on raisonnablement penser que nos gouvernants pourraient envisager un instant de priver le monde de la complémentaire de la couverture du risque santé, laquelle représente une partie substantielle de son activité et de ses profits ? Assurément non. C’est pourquoi la grande Sécu pourrait préfigurer une recomposition de l’organisation des soins, au risque de cristalliser le système de santé à deux vitesses qui a déjà commencé à s’agencer. À la grande Sécu la prise en charge des frais de santé conformes à la BRSS, donc engagés dans le système de santé public ou dans le système privé respectueux des tarifs de la Sécurité sociale, avec des délais d’accès aux soins pouvant être longs, voire des prestations de moindre qualité ; aux complémentaires santé les autres prises en charge, pour les personnes qui auront la capacité financière de s’acquitter des cotisations demandées et qui pourront alors s’extraire des contraintes de la grande Sécu. La grande Sécu serait alors bien l’expression d’une conception libérale de la couverture santé, laquelle ménage une place évidente et substantielle au secteur de la complémentaire, et donne à voir une conception appauvrie de la solidarité. Elle libérerait en outre les employeurs, privés et publics, de leur obligation de contribuer au financement de la complémentaire santé de leurs salariés ou agents, cette couverture devenant largement sans objet.
Déjà du passé ou notre avenir proche ? La grande Sécu a curieusement disparu des radars. Peut-on raisonnablement penser que c’est définitif ? Une telle conclusion serait naïve et hâtive. Dans un contexte où l’accès aux soins demeure un problème pour une partie de la population et où le déficit de la banche maladie s’est considérablement creusé, la réorganisation des rapports entre l’AMO et la complémentaire santé reste plus que jamais d’actualité.
Maryse Badel
Les commentaires
La fourchette Macron et la question des cotisations et contributions sociales afférentes à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Les ordonnances Macron de l’automne 2017 demeureront dans l’histoire du droit du travail pour avoir, entre autres choses, fixé des planchers et plafonds impératifs pour le montant de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, en considération de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise. Etablissant ainsi une fourchette d’indemnisation[1], dont le principe même a nourri la controverse juridique, le législateur a laissé dans l’ombre le rapport de ces montants minima et maxima avec la question des cotisations et contributions sociales afférentes à l’indemnité qui se voyait de la sorte bornée.
De ce point de vue, la fin de l’année 2021 a été riche en enseignements. Tout d’abord, le 15 décembre 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé que les montants minima et maxima de la « fourchette Macron[2] » étaient exprimés en brut[3]. Ensuite, le 24 décembre 2021, une mise à jour du Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS)[4] est intervenue pour signifier, entre autres choses, que l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse était exclue de l’assiette de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) dans la limite de deux fois le montant du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS)[5].
Ces deux règles nouvelles, « découvertes » respectivement par la Cour de cassation (I) et par l’administration (II), appellent diverses observations.
I/ L’arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 2021
Dans son arrêt du 15 décembre 2021, la Cour de cassation se prononce sur un jugement d’appel qui avait fixé le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse octroyée au maximum autorisé par la fourchette Macron, eu égard à l’ancienneté du salarié, tout en précisant que cette somme était « nette » [de cotisations et contributions sociales]. La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel au motif que le montant maximal prévu par la loi serait exprimé en brut, si bien que le même montant exprimé en net constituerait un dépassement du plafond légal.
Cette solution appelle deux séries de commentaires. La première tient au caractère net ou brut des montants fixés par les dispositifs des jugements prud’homaux, question qui a donné lieu à jurisprudence antérieurement à l’arrêt commenté (A). Une deuxième série de commentaires porte sur la solution retenue en l’espèce : le caractère brut des montants minima et maxima fixés par la fourchette Macron (B).
A/ Le caractère net ou brut des montants fixés par les dispositifs des jugements prud’homaux
Statuant à propos de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail, les juges du fond peuvent préciser si les sommes qu’ils octroient au salarié sont exprimées en brut ou en net. Si ces sommes sont exprimées en brut, l’employeur est autorisé à précompter sur ces sommes la part salariale des cotisations et contributions sociales qui y sont le cas échéant afférentes. Le salarié percevra ainsi, in fine, moins que ce que les montants contenus dans le dispositif du jugement pouvaient de prime abord lui laisser espérer. Si toutefois les juges décident d’exprimer ces montants en net, l’employeur ne pourra pas précompter sur les sommes octroyées au salarié les cotisations et contributions qui y sont le cas échéant afférentes. Le salarié percevra alors l’intégralité des sommes contenues dans le dispositif du jugement. Quant à l’employeur, sa condamnation s’en trouvera de fait alourdie puisque, outre ces sommes dues en intégralité au salarié, il devra verser en sus, à l’URSSAF, une somme correspondant à la part salariale des cotisations et contributions sociales y afférentes.
La question s’est toutefois posée de savoir si, à défaut de précision faite par le juge, le montant des sommes exprimé dans le dispositif du jugement devait être compris en brut ou en net. Après avoir un temps estimé que ces montants devaient être réputés nets de cotisations et contributions sociales[6], la Cour de cassation a opéré en 2016 un revirement de jurisprudence, en estimant qu’à défaut de précision, ces montants étaient bruts[7].
Cette jurisprudence ne concerne cependant que le cas où le caractère brut ou net des sommes octroyées n’est pas explicitement précisé dans le jugement. Elle ne prive ainsi pas les juges du fond de leur pouvoir d’exprimer en net les montants des sommes octroyées au salarié, à condition toutefois que ces montants soient compatibles avec les règles législatives et réglementaires encadrant leur fixation. Se trouve ainsi posée la question du caractère brut ou net des montants légaux, résultant de l’application stricte des règles du code du travail. En effet, si ces montants sont exprimés par la loi en brut, les magistrats ne sauraient dans leurs jugements affirmer de ces mêmes montants qu’ils sont nets de cotisations et contributions sociales, car cela reviendrait à octroyer au salarié des sommes supérieures à ce que prévoit la loi. Si, dans ce cas, un magistrat voulait néanmoins exprimer en net la somme qu’il décide d’octroyer au salarié, il devrait donc retrancher du montant exprimé par la loi en brut le montant des cotisations et contributions sociales afférentes au type de somme en cause. Si en revanche la loi détermine des montants nets, le juge pourra se dispenser d’une telle opération.
L’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 15 décembre 2021 vient ainsi trancher la question relativement aux montants légaux de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
B/ Le caractère brut des montants minima et maxima fixés par la fourchette Macron
Dans son arrêt du 15 décembre 2021, la Cour de cassation précise que les montants minima et maxima de la fourchette Macron, applicable en matière de fixation de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont exprimés en brut. A suivre la haute juridiction, les juges du fond ne sauraient donc octroyer une somme d’un montant égal au plafond applicable en l’espèce en la déclarant nette de cotisations et contributions sociales. Seule peut être déclarée nette la part de cette somme correspondant au montant légal de l’indemnité déduction faite du montant des cotisations et contributions sociales afférentes à cette indemnité.
La solution retenue par la Cour de cassation peut se parer des atours de l’évidence. En effet, ainsi que le souligne la Cour de cassation, le montant des planchers et plafonds de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse est, comme le prévoit la loi, calculé à partir du salaire brut du salarié. Partant, ce montant serait lui-même exprimé en brut. Pourtant, à y regarder de plus près, cette solution est loin d’aller de soi.
En effet, la référence au salaire brut, en matière d’encadrement du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ne doit pas tromper. Elle n’exprime pas la nature de cette indemnité. Elle n’est qu’un moyen commode, utilisé par le législateur, pour déterminer un plancher et un plafond entre lesquels le montant de cette indemnité se trouve enfermé. En effet, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse a la nature de dommages-intérêts. Elle répare le préjudice résultant, pour le salarié, de la perte injustifiée de son emploi. Son montant est ainsi susceptible de varier en fonction d’une multitude de paramètres tenant à la situation du salarié : âge, ancienneté, aptitude à retrouver un emploi, circonstances de la rupture, conséquences matérielles et morales du licenciement, etc. Elle n’a pas vocation à simplement compenser une perte de salaire, dont le montant serait naturellement fonction du salaire brut. La référence au salaire brut dans la détermination des montants de la fourchette Macron apparaît ainsi comme un pur artifice légal, un moyen purement conventionnel de déterminer des planchers et plafonds. Par conséquent, du caractère brut du salaire, pris pour référence dans la fourchette Macron, ne saurait s’inférer le caractère brut des indemnités minimales et maximales pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
De ce point de vue, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse présente une nette différence avec l’indemnité compensatrice de congés payés et l’indemnité compensatrice de préavis, quand bien même la loi détermine le montant de ces dernières également en référence à la rémunération brute du salarié. En effet, l’indemnité compensatrice de congés payés et l’indemnité compensatrice de préavis représentent un substitut de salaire, dont le montant est censé correspondre à la rémunération brute que le salarié aurait perçue s’il avait travaillé tout au long de la durée de ses congés payés ou de son préavis. On conçoit donc aisément que le montant de ces indemnités compensatrices, calculé conformément aux règles du code du travail, soit exprimé en brut. Mais ce raisonnement n’est pas transposable à l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui a la nature de dommages-intérêts et n’a pas vocation à compenser une perte de salaire que le salarié aurait subie du fait de son licenciement illégal. D’ailleurs, contrairement au préavis et aux congés payés, dont la durée est fixée par la loi, il ne semble pas exister de moyen légal de déterminer la durée de la période durant laquelle le salarié a été injustement privé d’emploi, lorsqu’il a été victime d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. On ne voit donc pas comment on déterminerait la rémunération brute que le salarié aurait dû percevoir durant cette période[8].
Ainsi, dans son arrêt du 15 décembre 2021, la Cour de cassation adopte une position dont l’apparente évidence masque le caractère arbitraire. Par la solution qu’elle retient, la haute juridiction diminue encore un peu plus, après les ordonnances de l’automne 2017, la réparation des préjudices résultant des licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse. La solution retenue par la Cour de cassation voit toutefois sa portée singulièrement limitée par la mise à jour du Bulletin officiel de la sécurité sociale du 24 décembre 2021, au sujet de la mesure dans laquelle l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être exclue de l’assiette de la CSG/CRDS.
II/ La mise à jour du Bulletin officiel de la sécurité sociale du 24 décembre 2021
L’assiette de la CSG/CRDS est déterminée par l’article L136-1-1 du code de la sécurité sociale (CSS). De cette assiette sont notamment exclues les indemnités de rupture du contrat de travail, dans la limite de certains plafonds. Sur ce point, la rédaction de l’article L136-1-1 est antérieure aux ordonnances Macron de l’automne 2017. Or la mise en place d’une fourchette d’indemnisation en matière de licenciements sans cause réelle et sérieuse soulevait des problèmes, eu égard à la rédaction de l’article L136-1-1 (A). Mais la mise à jour du Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS) datée du 24 décembre 2021 leur apporte une nouvelle solution (B).
A/ Les problèmes soulevés par la rédaction de l’article L136-1-1 CSS
En ce qui concerne les indemnités de rupture du contrat de travail, l’assiette de la CSG/CRDS (CSS, art. L136-1-1, III, 5°, a) est déterminée par référence à l’assiette des cotisations sociales (CSS, art. L242-1, II, 7°), qui elle-même est déterminée par référence à l’assiette de l’impôt sur le revenu circonscrite par le code général des impôts (CGI, art. 80 duodecies).
En vertu de l’article 80 duodecies, 1., 1° précité, les indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse sont exclues dans leur intégralité de l’assiette de l’impôt sur le revenu. D’après l’article L242-1, II, 7° du CSS, les indemnités de rupture non-imposables sont en outre exclues de l’assiette des cotisations sociales, mais dans la limite de deux fois le montant du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), soit pour 2022 : 82 272 euros (2 x 41 136 euros). L’article L242-1 ne précise cependant pas si le dépassement de ce plafond s’apprécie indemnité par indemnité ou si elle concerne le total des indemnités versées à l’occasion de la rupture. Or, à suivre le BOSS[9], pour apprécier le dépassement de ce plafond, il convient de faire masse de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse. En somme, l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse est exclue de l’assiette des cotisations sociales dans la mesure où son montant, additionné à celui de l’indemnité de licenciement, ne dépasse pas deux PASS.
Enfin, l’article L136-1-1, III, 5°, a du CSS prévoit que les indemnités de rupture sont exclues de l’assiette de la CSG/CRDS dans la limite du plus petit de ces deux montants : (1) le montant de l’indemnité conventionnelle ou, s’il est plus élevé, celui de l’indemnité légale ; (2) le montant de l’indemnité qui est exclu de l’assiette des cotisations sociales, en vertu de l’article L242-1. En matière d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce second montant correspond tout simplement à deux PASS[10] (étant entendu que pour apprécier le dépassement du plafond de deux PASS, il doit être fait masse de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse). Ce point ne soulève pas de difficultés. Il en va autrement, en revanche, en ce qui concerne le premier montant : celui de l’indemnité conventionnelle ou, s’il est plus élevé, celui de l’indemnité légale. En effet, quel est le montant légal de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ? Avant les ordonnances Macron, ce montant était considéré comme égal au salaire des six derniers mois dès lors que le salarié avait au moins deux ans d’ancienneté et que l’entreprise comptait au moins onze salariés[11]. En matière de CSG/CRDS, ce même montant était retenu par la Cour de cassation pour les salariés ayant moins de deux ans d’ancienneté ou travaillant dans une entreprise de moins de onze salariés[12]. Or les ordonnances Macron de 2017 ont introduit une fourchette d’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse. Dès lors, quel montant retenir : celui du plancher ou celui du plafond ? A cette question le BOSS apporte une réponse.
B/ La solution apportée par l’administration
Avant la mise à jour du 24 décembre 2021, le BOSS prévoyait que le montant à prendre en compte était celui correspondant au plancher de la fourchette Macron, eu égard à l’ancienneté du salarié et à l’effectif de l’entreprise[13]. Mais depuis ladite mise à jour, le BOSS ne fait plus référence au montant légal de l’indemnité, qu’il s’agisse de son montant minimal ou de son montant maximal ; il se borne à indiquer que « l’indemnité octroyée par le juge en cas de licenciement sans cause réelle ou sérieuse est exonérée de CSG et de CRDS dans la limite de deux PASS »[14].
A première vue, la solution peut surprendre car elle paraît contraire à la loi. En effet, l’article L136-1-1 du CSS fait bien référence à deux plafonds d’exclusion de l’assiette de la CSG/CRDS : (1) le montant conventionnel ou légal de l’indemnité, d’une part ; (2) le montant de l’indemnité exclu de l’assiette des cotisations (soit, en l’espèce, deux PASS), d’autre part. En supprimant toute référence au montant légal de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu’il s’agisse du montant minimal ou du montant maximal, la nouvelle rédaction du BOSS paraît ainsi retirer à la loi une partie de son contenu. Il y aurait là comme une abrogation de la loi par voie de circulaire. Cet argument doit toutefois être combattu. En effet, la solution retenue par le BOSS depuis le 24 décembre 2021 peut aussi bien s’interpréter comme un choix de l’administration en faveur du montant maximal prévu par la fourchette Macron (eu égard à l’ancienneté du salarié), pour déterminer le montant légal de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse au sens de l’article L136-1-1 du CSS. Seraient ainsi, en théorie, maintenus les deux plafonds prévus par l’article L136-1-1 : (1) le montant légal de l’indemnité, égal au montant maximal de la fourchette (eu égard à l’ancienneté du salarié) ; (2) le montant de l’indemnité exclu de l’assiette des cotisations, soit deux PASS. Or, en pratique, le montant de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse octroyée par le juge est toujours inférieur au montant maximal de la fourchette Macron. Ainsi, le premier plafond prévu par l’article L136-1-1 ne peut jamais être dépassé, pour ce qui concerne cette indemnité. En pratique, ne demeure donc que le second plafond, celui correspondant à deux PASS.
La mise à jour du BOSS vient ainsi singulièrement limiter la portée de l’arrêt de la Cour de cassation du 13 décembre 2021. En effet, en application de la doctrine du BOSS, opposable aux URSSAF, l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, même d’un montant égal au maximum de la fourchette Macron, sera toujours exclue aussi bien de l’assiette de la CSG/CRDS que de celle des cotisations sociales ; elle sera ainsi toujours nette de cotisations et contributions sociales. A condition toutefois que son montant, additionné à celui de l’indemnité de licenciement, ne dépasse pas le plafond de deux PASS, soit en 2022 : 82 272 euros. Or un tel dépassement devrait demeurer rare en pratique.
Laurent Willocx
[1] Nous reprenons ici une suggestion terminologique faite par Mme Evelyne Serverin (lors d’un séminaire interne dans le cadre d’une recherche collective à laquelle nous avons participé, recherche portant sur l’évaluation des effets des ordonnances Macron, financée par la DARES, pilotée par M. Raphaël Dalmasso, et menée au sein de l’Institut François Gény, Université de Lorraine, le 9 avil 2021) à propos du nom que mérite le procédé retenu par le législateur en l’espèce, procédé improprement mais usuellement qualifié de « barème ». En effet, un barème d’indemnisation impliquerait que la somme réparant le préjudice soit fixe, là où une fourchette d’indemnisation implique un minimum et un maximum entre lesquels une variation de la somme réparant le préjudice est possible. Le procédé de la fourchette laisse ainsi au juge une marge de manœuvre dont le barème le prive.
[2] Sur le choix de cette expression, voir note précédente.
[3] Cass. Soc. 15 décembre 2021, n° de pourvoi 20-18.782, publié au Bulletin, pts. 5-7.
[4] Le Bulletin officiel de la sécurité sociale récapitule la doctrine administrative ministérielle en matière de cotisations et contributions sociales. Son entrée en vigueur le 1er avril 2021 s’est accompagnée de l’abrogation de toutes les circulaires et instructions antérieurement appliquées en la matière. Son contenu est opposable aux URSSAF (voir article L243-6-2 du code de la sécurité sociale).
[5]BOSS, Indemnités de rupture, §1901 (dans sa rédaction issue de la mise à jour du 24 décembre 2021).
[6] Cass. Soc. 4 juillet 2001, n° de pourvoi 99-16.696 et Cass. Soc. 9 novembre 2004, n° de pourvoi 02-42.447.
[7] Cass. Soc. 19 mai 2016, n° de pourvoi 15-10.954, Cass. Soc. 16 mai 2018, n° de pourvoi 16-26.448 et Cass. Soc. 3 juillet 2019, n° de pourvoi 18-12.149.
[8] Il en va toutefois autrement en cas de licenciement nul suivi de réintégration. Dans ce cas, le salarié a droit à une indemnité d’éviction dont le montant est égal à la rémunération brute que le salarié aurait perçue s’il avait continué à travailler pour son employeur entre la date de son licenciement et la date de sa réintégration (sous réserve de certaines déductions, le cas échéant). Mais cette indemnité d’éviction ne se confond pas avec l’indemnité pour licenciement nul, dont le montant ne saurait être inférieur au salaire des six derniers mois et qui doit être versée en l’absence de réintégration.
[9]BOSS, Indemnités de rupture, §1890 et §1900.
[10] Voir la conclusion du paragraphe précédent.
[11] Anciens articles L1235-3 et L1235-5 du code du travail ; Cass. Civ. 2e, 19 avril 2005, n° de pourvoi 03-30.759 et n° de pourvoi 03-30.760
[12] Cass. Soc., 13 février 2019, n° de pourvoi 17-11.487.
[13]BOSS, Indemnités de rupture, § 1901 (dans sa rédaction antérieure à la mise à jour du 24 décembre 2021) : « L’indemnité octroyée par le juge en cas de licenciement sans cause réelle ou sérieuse est exonérée de CSG et de CRDS dans la limite des montants minimaux fixés à l’article L. 1235-3 du code du travail et dans la limite de deux PASS (indemnité de licenciement et indemnité octroyée par le juge) ».
[14]BOSS, Indemnités de rupture, § 1901 (dans sa rédaction issue de la mise à jour du 24 décembre 2021).
Le plan d’action sur le Socle européen des droits sociaux et les salaires minimaux appropriés : une ambition mesurée…
La guerre qui sévit dans l’est de l’Europe depuis quelques jours focalise l’attention des opinions publiques, des pouvoirs publics et des médias ; ces images de destructions, de populations terrorisées et déplacées s’imposent à nous en nous rappelant douloureusement d’autres scènes ayant marqué l’histoire de ce continent au vingtième siècle. Ces évènements viennent bousculer un calendrier qui voyait le premier semestre 2022 placé sous signe de la Présidence française de l’Union européenne (PFUE), moment politique clé pour influer sur les politiques portées au niveau régional[1], y compris au plan social. Sur ce point, les derniers mois ont donné lieu à quelques faits significatifs qu’il semble opportun de relater ici.
Après avoir proclamé en 2017 les vingt principes qui forment le Socle européen des droits sociaux, présentés comme autant de « balises qui nous guident vers une Europe sociale forte qui soit équitable, inclusive et riche en perspectives »[2], restaient aux Institutions de l’UE à engager les actions concrètes destinées à leur donner consistance et utilité. Ces principes, dépourvus de force juridique propre, abordent des sujets très variés, organisés autour de trois grands axes : l’égalité des chances et accès au marché du travail ; les conditions de travail équitables ; la protection et l’inclusion sociales. Au titre des conditions de travail, un principe retiendra ici particulièrement notre attention, celui relatif au salaire (principe n°6). Il est rédigé ainsi : « Les travailleurs ont droit à un salaire équitable leur assurant un niveau de vie décent. Des salaires minim[aux] appropriés doivent être garantis, à un niveau permettant de satisfaire aux besoins du travailleur et de sa famille compte tenu des conditions économiques et sociales du pays, tout en sauvegardant l’accès à l’emploi et les incitations à chercher un emploi. La pauvreté au travail doit être évitée. Tous les salaires doivent être fixés d'une manière transparente et prévisible, conformément aux pratiques nationales et dans le respect de l'autonomie des partenaires sociaux ».
Le droit social de l’Union européenne[3], constitué d’un nombre conséquent de règlements et de directives enrichis par un travail d’interprétation soutenu de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), donne déjà effet à certains de ces principes. Comme le souligne le Professeur J.-Ph. Lhernould[4], la mention du Socle au visa de plusieurs directives récemment adoptées, comme la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne[5], constitue déjà une manifestation de son influence.
Une étape supplémentaire a été franchie le 4 mars 2021 avec la publication, par la Commission européenne, d’un plan d’action sur le Socle européen des droits sociaux[6]. Ce document programmatique donne des orientations sur les initiatives sociales que la Commission pourrait vouloir porter dans la décennie en cours (1). La question des salaires minimaux appropriés est essentiellement renvoyée à une proposition de directive dont la mise en œuvre pourrait certainement permettre de lutter contre des formes de « travail pauvre » mais sans doute pas de faire converger significativement les niveaux de salaires minimaux dans le marché unique européen (2).
1- Le plan d’action sur le Socle européen des droits sociaux
Inscrite au frontispice du plan d’action de la Commission, une citation extraite d’un discours prononcé par Ursula von der Leyen (présidente de la Commission) met en avant la « Pandémie » et la « double transition écologique et numérique » pour souligner le contexte particulier dans lequel ce programme de travail a été échafaudé. Une référence aux objectifs du développement durable (SD Goals) de l’Agenda Horizon 2030 des Nations unies[7] est également présente, établissant une forme de parenté entre ces deux instruments, l’un régional et l’autre international, qui entendent tous deux proposer un modèle de conciliation entre considérations économiques, sociales et environnementales. Ainsi, les objectifs de développement durable des Nations Unies « sont un appel à l’action de tous les pays – pauvres, riches et à revenu intermédiaire – afin de promouvoir la prospérité tout en protégeant la planète. Ils reconnaissent que mettre fin à la pauvreté doit aller de pair avec des stratégies qui développent la croissance économique et répondent à une série de besoins sociaux, notamment l’éducation, la santé, la protection sociale et les possibilités d’emploi, tout en luttant contre le changement climatique et la protection de l’environnement ». Le plan d’action européen, qui se donne lui-même pour horizon 2030, a pour objectif « la durabilité compétitive, qui est au cœur de l’économie sociale de marché de l’Europe, concourt à la mise en place d’un modèle de croissance durable et inclusif qui produit les meilleurs résultats pour les citoyens et la planète. C’est sur ce modèle unique qu’est fondée la résilience sociale et économique de l’Europe ». Ces discours ne doivent, à notre sens, pas être regardés comme de simples formules incantatoires, dans la mesure où ils renouvèlent constamment l’affirmation d’un projet politique dominé par des doctrines libérales, présenté sur le ton de l’évidence comme un fait accompli et sorti du champ du débat démocratique.
Les mesures dont il est question dans le plan d’action de la Commission sont organisées autour de trois objectifs dans les domaines de l’emploi, des compétences et de la protection sociale : (1) au moins 78 % de la population âgée de 20 à 64 ans devrait avoir un emploi d’ici à 2030 ; (2) au moins 60 % des adultes devraient participer à des activités de formation chaque année ; et (3) le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale devrait être réduit d’au moins 15 millions en 2030. Déclinés en sous-objectifs, leur réalisation est appuyée par un engagement financier et un appel à la mobilisation de tous acteurs : « la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux constitue un engagement et une responsabilité politiques partagés des institutions de l’Union, des autorités nationales, régionales et locales, des partenaires sociaux et de la société civile, qui ont tous un rôle à jouer en fonction de leurs compétences »[8]. Cette vision inclusive reflète sans doute les concertations étendues qui ont été menées dans le cadre de l’élaboration du plan d’action mais elle ne saurait traduire un engagement ou une adhésion déjà acquise des acteurs qui sont mentionnés ci-dessus. A ce stade, le plan d’action donne surtout accès à une série d’engagements pris par l’actuelle Commission et à des informations sur la gouvernance de sa mise en œuvre.
Sur ce point précisément, le pilotage du plan d’action se trouverait confié au Semestre européen[9], « lequel constitue le cadre idoine et désormais bien établi de coordination des réformes et des investissements dans les domaines économique et social et dans celui de l’emploi, mettant les personnes et leur bien-être au cœur de son action ». Le Semestre européen prend déjà en compte, depuis 2018, le Socle européen des droits sociaux, en amenant les Etats membres à rendre compte de leurs efforts et réalisations en la matière. Il s’agit d’un instrument de coordination des politiques économiques dans l’ensemble de l’Union européenne, introduit en 2011 dans le contexte de la crise financière et dont l’influence semble croître au fur et à mesure des années. Il établit une gouvernance fondée sur des indicateurs quantitatifs que la Commission souhaite réviser afin de permettre une observation plus complète des progrès accomplis dans la mise en œuvre des principes du socle ainsi qu’un suivi de l’exécution des mesures proposées par le présent plan d’action[10].
2- Des « salaires minimaux appropriés »
Sur le plan normatif, le contenu du plan d’action demeure assez limité. Sont évoqués, dans le domaine du droit du travail, notamment, une proposition législative sur les conditions de travail des travailleurs des plateformes[11] et une législation visant à lutter contre les violences à caractère sexiste à l’égard des femmes[12]. Les partenaires sociaux sont également encouragés à assurer le suivi de leur accord-cadre autonome sur la numérisation[13], « notamment en ce qui concerne les modalités de connexion et de déconnexion, et à étudier: 1) des mesures visant à garantir des conditions de télétravail équitables et 2) des mesures visant à faire en sorte que tous les travailleurs puissent effectivement jouir d’un droit à la déconnexion »[14].
Concernant la mise en œuvre du 6ème principe du Socle européen des droits sociaux, relatif aux salaires minimums appropriés, le plan d’action renvoie pour l’essentiel à une proposition de directive de la Commission relative à des salaires minimaux adéquats dans l’Union européenne, publiée en octobre 2020. Il souligne « l’importance de veiller à ce que les emplois soient assortis d’une rémunération adéquate pour garantir des conditions de vie et de travail adéquates aux travailleurs et à leurs familles, ainsi que pour bâtir des économies équitables et résilientes et soutenir une croissance inclusive ». Dans le cadre du programme de la PFUE[15], au titre de l’Emploi, des affaires sociales et de l’égalité, l’ambition affichée est de conduire des négociations avec le Parlement européen afin de faire avancer le processus d’adoption de la proposition de directive sur les salaires minimaux adéquats.
La portée de cette initiative doit être lue à la lumière de la base juridique retenue pour son adoption. Il s’agit de l’article 153, paragraphe 1, point b), du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui dispose que l’Union soutient et complète l’action des États membres dans le domaine des conditions de travail. La difficulté réside dans le fait que sont exclus de la compétence normative reconnue à l’Union européenne, en vertu de cet article, les rémunérations, le droit d'association, le droit de grève, le droit de lock-out[16]. Par conséquent, cette proposition de directive ne peut constituer une mesure ayant un effet direct sur le niveau des rémunérations, au risque, une fois adoptée, d’encourir une procédure d’annulation devant la CJUE.
La directive[17] s’appliquerait aux travailleurs de l’Union qui ont un contrat de travail ou une relation de travail au sens de la législation, des conventions collectives ou de la pratique en vigueur dans chaque État membre, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (article 2). Certaines exclusions ou variations sectorielles sont discutées, comme pour le travail maritime (transport et pêche)[18]. Les Etats membres dans lesquels il existe des salaires minimaux légaux, seraient engagés à prendre « les mesures nécessaires pour que la fixation et l’actualisation de ces salaires reposent sur des critères conçus pour en promouvoir le caractère adéquat dans le but de garantir des conditions de travail et de vie décentes, la cohésion sociale et la convergence vers le haut ». L’article 5 de la proposition fournit donc une liste de critères que l’Etat doit prendre en compte pour la fixation et l’actualisation régulière de ce salaire minimum légal national. En ce sens, la directive n’impose pas aux Etats membres d’instaurer un salaire minimum légal ni ne prétend fixer un salaire minium unique à l’échelle européenne. L’objectif poursuivi, au regard des motifs, est la revalorisation des salaires minimaux légaux qui sont jugés trop bas dans de nombreux Etats membres, suivant les motifs qui accompagnent la proposition de directive. Il s’agit donc prioritairement de lutter contre la pauvreté au travail[19], même si la proposition de directive n’élude pas la question des inégalités salariales, notamment l’égalité entre homme et femme et l’égalité des chances dans l’accès au travail et le développement des carrières professionnelles. Cette revalorisation est également recherchée à travers la promotion des négociations collectives en vue de la fixation des salaires (article 4), lesquelles jouent un rôle essentiel dans les pays où la protection offerte par des salaires minimaux est assurée exclusivement au moyen de conventions collectives.
On le voit, cette proposition de directive, perçue comme une traduction du principe n°6 du Socle européen des droits sociaux, oscille (hésite ?) entre deux finalités : la protection et l’égalité (« équité »). Les motifs soulignent ainsi que « de meilleures conditions de travail et de vie, notamment grâce à des salaires minimaux adéquats, sont bénéfiques pour les travailleurs comme pour les entreprises de l’Union. Remédier aux écarts importants observés en ce qui concerne la couverture et le caractère adéquat des salaires minimaux contribue à renforcer l’équité du marché du travail de l’UE, à stimuler les améliorations de la productivité et à promouvoir le progrès économique et social ».
Cette question est d’importance et renvoie au débat sur le détachement temporaire de travailleurs tel qu’il est organisé à travers la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996. Le maintien des conditions de travail de l’Etat de provenance du travailleur détaché, à l’exception d’un noyau dur de conditions que l’Etat d’accueil peut imposer, conduit à faire du régime du détachement temporaire l’incarnation d’un mécanisme de dumping social en matière de coût du travail (rémunération, protection sociale). Si l’influence de la législation de l’État d’accueil a été revue à la hausse avec la révision opérée par la Directive (UE) 2018/957 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018, non sans contestation de la part des Etats habituellement fournisseurs de main-d’œuvre[20], cela ne se traduit toutefois pas par la reconnaissance d’une égalité de traitement entre travailleurs détachés et travailleurs de l’État d’accueil.
Certains auteurs interrogent aujourd’hui le fondement de ces directives, adoptées dans le cadre de la mise en œuvre d’une liberté économique, celle de la libre prestation de services au sein de l’Union européenne. Cela conduit la Cour de justice à adopter une interprétation restrictive des conditions de travail imposées par l’Etat d’accueil, perçues comme des atteintes justifiables à l’exercice de cette liberté. Ne devrait-on pas évoluer et placer la mobilité des travailleurs sous la coupe de la liberté de circulation, ce qui donnerait plus de force à une approche par l’égalité de traitement en vue d’une meilleure intégration des travailleurs mobiles / détachés dans les collectivités de travail où ils travaillent effectivement[21] ?
Une fois adoptée, la directive sur les salaires minimums appropriés pourra-t-elle avoir pour effet de niveler les écarts de rémunération dans l’Union européenne et de remédier à des situations de dumping qui alimentent les opinions anti-communautaires ? Cela reste incertain du point de vue des logiques économiques qui prédominent la mise en œuvre de ces dispositifs dans le domaine social.
Alexandre Charbonneau
[1] 374 évènements et rencontres, à ce jour, ont été programmés pour mettre en discussion les actions et initiatives que la PFUE entend porter : https://presidence-francaise.consilium.europa.eu/fr/evenements/?Page=3.
[2] Voy. le portail dédié de la Commission européenne : https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/economy-works-people/jobs-growth-and-investment/european-pillar-social-rights/european-pillar-social-rights-20-principles_fr et K. Chatzilaou, « Vers un socle européen des droits sociaux : quelles inspirations ? », Revue de droit du travail, 2017, p. 175 et s. ; J.-Ph. Lhernould, « Socle européen des droits sociaux : le discours et la méthode », Revue de droit du travail, 2017, p. 455 et s. ; O. De Schutter, Le Socle européen des droits sociaux et le rôle de la Charte sociale européenne dans l’ordre juridique de l’Union européenne, Etude pour le Secrétariat de la Charte sociale européenne et la Plateforme collaborative CdE-FRA-REINDH-Equinet sur les droits sociaux et économiques, 2018 (https://rm.coe.int/le-socle-europeen-des-droits-sociaux-et-le-role-de-la-charte-sociale-e/168096614a); et B. Teyssié, « Le Socle européen des droits sociaux », La semaine juridique Edition sociale, n°6, 15 février 2022, p. 9 et s.
[3] Voy., par exemple, l’ouvrage de J.-M. Servais, Droit social de l’Union européenne, 4ème édition (Bruxelles), Bruylant, 2021.
[4] J.-Ph. Lhernould, « Quel visage pour l’Europe de demain ? Les enseignements du plan d’action sur le socle européen des droits sociaux », Revue de Jurisprudence Sociale, 2022, p. 8 et s.
[5] Considérants 2 et 3 de cette directive, qui a remplacé la directive 91/533/CEE du Conseil du 14 octobre 1991 relative à l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail. On peut également citer la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, laquelle fait référence au principe du socle relatif au licenciement (n°7) comme élément de justification du régime de protection accordé au lanceur d’alerte (considérant 95).
[6] Sur le site de la Commission : https://op.europa.eu/webpub/empl/european-pillar-of-social-rights/fr/index.html. Voy. S. Rainome et A. Aloisi, « Time to deliver ? Assessing the Action Plan on the European Pillar of Social Rights », ETUI Policy Brief, 2021-8.
[7][7] https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/
[8] Le plan précise sur ce point que la majorité des instruments disponibles pour les atteindre relèvent de la compétence des États membres.
[9]https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/economic-and-fiscal-policy-coordination/eu-economic-governance-monitoring-prevention-correction/european-semester_fr.
[10] Voy. l’annexe 2 du Plan d’action, qui propose un tableau de bord révisé.
[11]https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_6605.
[12]https://luxembourg.representation.ec.europa.eu/actualites-et-evenements/actualites/stop-la-violence-legard-des-femmes-declaration-de-la-commission-europeenne-et-du-haut-representant-2021-11-24_fr.
[13] file:///C:/Users/alcharbo/AppData/Local/Temp/final-22-06-20-agreement-on-digitalisation-2020_1592838102.pdf.pdf.
[14] Plan d’action, p. 21.
[15] Voy. p. 41 du Programme PFUE : https://presidence-francaise.consilium.europa.eu/media/zeqny1y5/fr_programme-pfue-v2-5.pdf.
[16] Article 153 § 5 du TFUE.
[17]https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52020PC0682&from=FR.
[18] P. Chaumette, « Un salaire minimum européen, mais sans les marins ? », Le Marin, édition du3 juin 2021. L’article 6 prévoit notamment que « les États membres peuvent autoriser des taux de salaires minimaux légaux différents pour des catégories spécifiques de travailleurs. Les États membres limitent le plus possible ces variations et veillent à ce que toute variation soit non discriminatoire, proportionnée, limitée dans le temps s’il y a lieu, et justifiée objectivement et raisonnablement par un objectif légitime ».
[19] S. Robin-Olivier, « Chronique Politique sociale de l'UE - La pauvreté au travail : nouveau sujet et nouvelle méthode de la politique sociale de l'Union », Revue trimestrielle de droit européen, 2021, p. 497 et s.
[20] CJUE, 8 décembre 2020, aff. C‑620/18, Hongrie c. Parlement européen et aff. C-626/18, Pologne c. Parlement européen et Conseil de l'Union européenne
[21] Voy. la Controverse entre M. Rocca et N. Mihman, « Quelle approche juridique de la mobilité du travail en Europe ? », Revue de droit du travail, 2021, p. 151 et s.
Ont participé à ce numéro
Maryse Badel
Alexandre Charbonneau
Laurent Willocx
Mise à jour le 11/05/2022