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L'Actualité juridique - janvier 2020
Sommaire
- L'édito
- Les commentaires
- Ont participé à ce numéro
L'édito
2020 !
L’équipe de l’Institut du travail de Bordeaux vous adresse ses meilleurs vœux et vous souhaite une année d’engagement, de justice sociale et de solidarité.
Maryse Badel
Retenez la date : 13 mars 2020
"LES INCAPACITÉS DE TRAVAIL"
COLLOQUE ANNUEL DE L'INSTITUT DU TRAVAIL
Le pluriel "incapacités" peut surprendre mais il est volontaire. Il permet de couvrir des situations qui ont toutes en commun d’entraîner pour le salarié des difficultés dans l’emploi mais qui, nommées différemment par le droit, entraînent l’application de règles juridiques distinctes.
Le colloque souhaite lever les difficultés de compréhension qui résultent de cette pluralité. Ainsi, l’objectif est de s’interroger sur les différences et interactions entre les notions juridiques d’incapacité, d’invalidité, d’inaptitude et de handicap, d’identifier quels cas elles concernent et au terme de quelles procédures elles sont caractérisées, par quels acteurs. Il est encore de traiter du parcours professionnel du salarié à travers les questions d’employabilité et de maintien dans l’emploi, tant du point de vue du devenir du contrat de travail que de la place des relations collectives dans la construction des parcours professionnels. Il est enfin d’aborder les possibilités d’indemnisation données aux personnes incapables de travailler, qu’elles soient procurées par le droit social ou par la mobilisation des régimes de responsabilité.
Les commentaires
La persistance des garanties de fond. Cass. soc., 14 novembre 2019, n° 18-20.307, FS-P+B
La procédure légale de licenciement établie par le Code du travail compte aujourd’hui quatre étapes. Après avoir été convoqué et entendu au cours d’un entretien préalable, le salarié reçoit une lettre de notification du licenciement qu’il peut demander à l’employeur de préciser. Ce déroulement classique connait parfois quelques variantes d’origine conventionnelle ou légale.
En effet, il est courant qu’un accord ou une convention collective de travail aménage cette procédure en offrant aux salariés des garanties procédurales complémentaires. Ces garanties conventionnelles sont très variées et peuvent consister, par exemple, à informer (Cass. soc., 17 mars 2015, n° 13-24.252, Bull. civ. V, n° 49) ou à consulter (Cass. soc., 10 juill. 2013, n° 12-13.229, inédit) les représentants du personnel avant l’engagement de la procédure, à organiser une audition du salarié devant une commission de discipline (Cass. soc., 16 sept. 2008, n° 07-41.532, Bull. civ. V, n° 159), à modifier les délais légaux qui séparent la convocation et l’entretien ou l’entretien et la notification du licenciement (Cass. soc., 27 mars 2013, n° 11-20.737, Bull. civ. V, n° 86) ou à imposer qu’une instance spécifique de l’entreprise contresigne la lettre de licenciement (Cass. soc., 5 avr. 2005, n° 02-47.473, Bull. civ. V, n° 119). Dans chacun de ces cas, la chambre sociale de la Cour de cassation jugeait, depuis la fin des années 1990, que ces garanties procédurales constituaient des « garanties de fond » et que le non-respect de ces prescriptions conventionnelles privait le licenciement de cause réelle et sérieuse (S. Frossard, La sanction de la violation d’une procédure disciplinaire conventionnelle, signe de la procéduralisation du droit du travail, D. 2001, p. 417 ; Ch. Varin, Les critères de la notion de « garantie de fond », JCP S 2013, 1356). Cette jurisprudence a été remise en cause par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 qui a modifié le dernier alinéa de l’article L. 1235-2 du Code du travail. Celui-ci dispose désormais que « lorsqu’une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d’un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L. 1232-2, L. 1232-3, L. 1232-4, L. 1233-11, L. 1233-12 et L. 1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutairede consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ». La violation des obligations conventionnelles de consultation d’instances paritaires ne devrait plus, à l’avenir, priver le licenciement de cause réelle et sérieuse, mais être sanctionnée comme une simple irrégularité procédurale.
Il arrive aussi que le législateur ou le pouvoir réglementaire aménage la procédure de licenciement. L’exemple le plus significatif est sans doute le licenciement des salariés protégés qui nécessite l’autorisation de l’inspecteur du travail. Le Code du travail établit clairement la nullité comme sanction du licenciement prononcé sans autorisation administrative (C. trav., art. L. 1235-3-1). D’autres procédures légales spéciales sont parfois imposées. En cas de licenciement d’un membre du CSE, l’employeur doit solliciter l’avis de l’institution sur ce projet (C. trav., art L. 2421-3) ; en cas de licenciement pour inaptitude consécutive à une maladie professionnelle ou à un accident du travail, l’employeur doit également consulter le CSE s’agissant des propositions de reclassement présentées au salarié inapte (C. trav., art. L. 1226-10). Le législateur prévoit généralement une sanction en cas de non-respect de ces procédures complémentaires. Pour la première, le Conseil d’État juge que, faute de consultation, l’inspecteur du travail ne peut autoriser le licenciement (CE 4 juill. 2018 n° 410904 et n° 397059 : RJS 10/18 n° 617) si bien qu’il sera frappé de nullité s’il est tout de même prononcé. Pour la seconde, le Code du travail prévoit le paiement d’une indemnité spéciale de licenciement au profit du salarié licencié sans que la procédure de consultation ait été respectée (C. trav., art. L. 1226-15).
Que faire lorsque le législateur organise une procédure spécifique sans envisager aucune sanction particulière ? C’est à cette question qu’était confrontée la chambre sociale de la Cour de cassation dans une affaire jugée le 14 novembre 2019. Un salarié avait été engagé par un service de santé au travail interentreprises et exerçait les fonctions d’intervenant en prévention des risques professionnels. Le salarié était licencié en 2014 pour cause réelle et sérieuse, mais l’employeur s’était abstenu de consulter l’organe de surveillance du service de santé, comme le lui impose pourtant l’article D. 4622-31 7° du Code du travail. Le salarié contestait son licenciement et obtint, en appel, que celui-ci soit jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse. La chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’employeur.
Elle rappelle, d’abord, que l’article R. 4623-37 du Code du travail entend protéger l’intervenant en prévention des risques professionnels. Ce texte énonce en effet que cet intervenant « ne peut subir de discrimination en raison de ses activités de prévention » et qu’il « assure ses missions dans des conditions garantissant son indépendance ». Elle reprend, ensuite, la lettre de l’article D. 4622-31 du même code qui prévoit que « le comité interentreprises ou la commission de contrôle est consulté sur l’organisation et le fonctionnement du service de santé au travail, notamment sur (…) le licenciement d’un intervenant en prévention des risques professionnels ». La chambre sociale déduit de la combinaison de ces deux textes que la consultation du comité interentreprises ou de la commission de contrôle ne constitue pas une simple exigence de procédure, mais caractérise une « garantie de fond » dont le non-respect emporte l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.
Sur un plan technique, la solution adoptée n’est pas très étonnante. Comme cela a été rappelé, la chambre sociale qualifie depuis longtemps de « garantie de fond » la consultation de différents organismes paritaires ou représentants du personnel lorsque celle-ci est prévue par un accord collectif de travail. Si le licenciement prononcé au mépris de ces garanties conventionnelles est privé de cause réelle et sérieuse, on voit mal pourquoi il en irait autrement du non-respect d’une règle de procédure légale, dès lors bien sûr que le législateur n’a pas lui-même envisagé une sanction spécifique. Par ailleurs, les autres hypothèses de consultation des élus du personnel prévues par la loi emportent elles aussi des sanctions vigoureuses, au moins aussi fortes que l’indemnisation d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au fond, en revanche, l’argument tenant à l’existence de règles protectrices en faveur de l’intervenant en prévention des risques professionnels est plus surprenant. Par son pourvoi, l’employeur soutenait que cette consultation « n’a pas pour finalité la protection du salarié concerné, mais celle de l’organisation et du fonctionnement du service de santé au travail », ce qui n’était guère convaincant. Le comité interentreprises ou la commission de contrôle, établi par l’article L. 4622-12 du Code du travail, a pour mission de surveiller l’organisation et la gestion du service de santé au travail et ses missions (C. trav., art. D. 4622-31) s’apparentent à celles d’un comité social et économique « classique », lequel n’est pas consulté à propos de tous les licenciements prononcés dans l’entreprise. La finalité de la consultation tient donc effectivement à une volonté d’assurer une protection spécifique à l’intervenant en prévention des risques professionnels. Fallait-il pour autant en conclure que la consultation constituait une garantie de fond dont la violation privait le licenciement de cause réelle et sérieuse ? Si cette conclusion surprend, c’est parce que l’ensemble des garanties procédurales établies par la loi ont précisément pour vocation de protéger le salarié dont le licenciement est envisagé. Le formalisme de la convocation à l’entretien, l’assistance lors de l’audition (C. trav., art. L. 1232-2 et s.) et les particularités de la notification du licenciement (C. trav., art. L. 1232-6) ne visent pas, bien entendu, à assurer l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise, mais bien à protéger le salarié. Malgré cette vocation protectrice évidente, le Code du travail sanctionne clairement ces irrégularités procédurales par une indemnité d’un mois de salaire au maximum et non par l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement (C. trav., art. L. 1235-2).
Enfin, on pouvait penser que les « garanties de fond » jurisprudentielles étaient des espèces en voie de disparition. Certes, l’ordonnance n° 2017-1387 n’était pas applicable aux faits de l’espèce qui lui étaient antérieurs. Cependant, quoi que l’on en pense, le législateur a clairement exprimé la volonté de voir disparaître cette catégorie d’irrégularités procédurales sanctionnée comme le manquement à des règles substantielles. L’absence de consultation de l’organe de surveillance du SST n’étant pas assortie d’une sanction légale, la chambre sociale aurait parfaitement pu choisir, dans le droit fil de cette tendance légale, de n’attribuer au salarié qu’une indemnité pour violation d’une règle procédurale. En décidant finalement que le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse, la chambre sociale de la Cour de cassation montre son attachement à la catégorie des garanties de fond qui ne devrait donc pas disparaître. Celle-ci pourra en effet perdurer dans au moins deux cas de figure. D’abord, comme en l’espèce, lorsque le législateur pose une protection procédurale spécifique sans l’accompagner d’une sanction. Ensuite lorsqu’une convention collective ou un statut prévoit une exigence procédurale complémentaire qui ne se limite pas à une « consultation préalable au licenciement » comme l’envisage l’article L. 1235-2 du Code du travail. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la protection des garanties de fond pourrait donc subsister pour des procédures conventionnelles que l’on peut juger moins protectrices du salarié que la consultation d’un organe paritaire, telles que l’information d’une instance, l’information précoce du salarié sur les motifs de son éventuel licenciement ou la modification des délais de notification du licenciement.
Sébastien Tournaux
Obligation d’emploi de travailleurs handicapés : les règles ont changé !
Pour favoriser l’accès à l’emploi en milieu ordinaire des personnes handicapées, le législateur a institué une obligation d’emploi. Néanmoins, dans un souci d’adapter les dispositions relatives à l’insertion professionnelle des personnes handicapées aux contraintes économiques auxquelles se trouvent confrontés les employeurs, la philosophie de l’obligation d’emploi a évolué au fil des législations (V. M.-L. Cros-Courtial, Travail et handicap en droit français, éd. CTNERHI, t. 1 et 2, 1989 p. 65). Le calcul de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, initialement déterminé par la loi du 10 juillet 1987 (Loi n° 87-517 du 10 juill. 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés, JORF du 12 juillet 1987), a été modifié dans le cadre de la loi du 11 février 2005 (Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, JORF du 12 février 2005), puis encore remanié dans le cadre de la loi du 1er décembre 2008 (Loi n° 2008-1249 du 1er déc. 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, JORF du 3 décembre 2008).
Plus récemment, c’est la loi du 5 septembre 2018 (Loi n° 2018-771 du 5 sept. 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, JORF du 6 septembre 2018) qui a modifié les règles relatives à l’obligation des entreprises en matière d’emploi de travailleurs handicapés. Dorénavant, toutes les entreprises sont concernées, même celles de moins de 20 salariés. En effet, la déclaration d’emploi de travailleurs handicapés devient obligatoire pour toutes les entreprises.
Toutefois, parmi les principales mesures de cette dernière réforme, c’est sans doute la révision tous les cinq ans du taux minimal d’emploi qui étonne le plus. Le taux obligatoire d’emploi de travailleurs handicapés est désormais amené à évoluer tous les 5 ans à compter du 1er janvier 2020, sans toutefois pouvoir être inférieur au taux actuel de 6 %. Début 2025, le taux de 6 % sera donc actualisé par décret, en référence à la part des bénéficiaires de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés dans la population active et à leur situation au regard du marché du travail (C. trav., art. L. 5212-2).
1. Les nouveaux contours de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés
Tous les employeurs du secteur privé et les établissements publics à caractère industriel et commercial occupant au moins vingt salariés restent soumis à une obligation d’emploi de travailleurs handicapés équivalente, jusqu’en décembre 2024, à 6 % de l’effectif total de leurs salariés (C. trav., art. L. 5212-1 et L. 5212-2). Les entreprises nouvellement créées qui occupent dès leur création au moins 20 salariés disposent de cinq ans — contre trois auparavant — pour se mettre en conformité avec l’obligation d’emploi (C. trav., art. L. 5212-4). Il peut être relevé que le cas des entreprises franchissant le seuil de 20 salariés qui bénéficiaient également d’un délai pour se mettre en conformité n’est plus évoqué par le Code du travail, ce qui ne manquera pas de susciter des interrogations…
Autre changement majeur, depuis le 1er janvier 2020, l’unité d’assujettissement à l’obligation d’emploi n’est plus l’établissement, mais l’entreprise. Ainsi, dans les entreprises à établissements multiples, le taux d’emploi de travailleurs handicapés devra s’appliquer au niveau de l’entreprise et non plus établissement par établissement (C. trav., art. L. 5212-3). Autrement dit, avant le 1er janvier 2020, une entreprise constituée de 12 établissements comptant chacun 10 salariés n’était pas concernée par l’obligation d’emploi. Depuis le 1er janvier, l’effectif pris en compte étant la somme des effectifs de ces établissements, soit 120 personnes, son obligation d’emploi de travailleurs handicapés est fixée à 6 %.
L’effectif annuel pris en compte pour l’assujettissement de l’entreprise à l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés est dorénavant calculé conformément à l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale, issu de la loi Pacte.
La liste des bénéficiaires de l’obligation d’emploi n’est pas modifiée. Les personnes pouvant être employées au titre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés sont visées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 9°, 10° et 11° de l’article L. 5212-13 du Code du travail[1]. Il convient toutefois de souligner que depuis le 1er janvier 2020, dès lors que le handicap est jugé irréversible, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) qui permet de bénéficier de l’obligation d’emploi est attribuée de façon définitive (C. trav., art. L. 5213-2).
Le décompte du nombre de travailleurs handicapés employés est également effectué conformément à l’article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale. L’article D. 5212-3 du Code du travail rappelle qu’un bénéficiaire de l’obligation d’emploi ne peut pas être pris en compte plusieurs fois dans le calcul au motif qu’il entre dans plusieurs catégories de bénéficiaires mentionnées à l’article L. 5212-13. L’article D. 5212-3 du Code du travail précise également que pour les entreprises de travail temporaire, les groupements d’employeurs et les entreprises de portage salarial, les salariés portés ou mis à disposition ne sont désormais pas pris en compte dans les effectifs de bénéficiaires de l’obligation d’emploi.
2. Modalités d’acquittement de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés
Outre l’embauche directe de travailleurs handicapés, les employeurs disposaient, avant le 1er janvier 2020, de quatre autres modalités pour respecter leur obligation d’emploi. En effet, les employeurs assujettis à cette obligation pouvaient s’en acquitter, totalement ou partiellement, de différentes façons : en recourant aux prestations d’entreprises du secteur adapté ou protégé ; en accueillant temporairement des personnes handicapées ; en appliquant un accord collectif agréé prévoyant la mise en œuvre d’un programme d’action en faveur des travailleurs handicapés ou encore en versant directement une contribution financière à l’Agefiph.
Depuis le 1er janvier 2020, les employeurs n’ont plus la possibilité de s’acquitter partiellement de leur obligation d’emploi en passant par des contrats de fournitures, de sous-traitance ou de prestations de services avec des entreprises adaptées (EA), des établissements ou services d’aide par le travail (ESAT) ou avec des travailleurs indépendants handicapés bénéficiaires de l’obligation d’emploi.
De même, l’accueil temporaire de travailleurs handicapés ne constitue plus une modalité d’acquittement partielle de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, mais bien une modalité à part entière de mise en œuvre par l’emploi direct.
Ainsi, l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés ne peut désormais être satisfaite que de 3 manières : par l’emploi direct de travailleurs handicapés (A), par l’application d’accords agréés relatifs à l’emploi de travailleurs handicapés (B) ou par le versement d’une contribution à l’Agefiph (C).
A. Une réforme pour favoriser l’emploi direct de travailleurs handicapés
L’employeur peut s’acquitter de son obligation d’emploi en employant des bénéficiaires de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés, quelles que soient la durée et la nature de leur contrat (C. trav., art. L. 5212-6).
Ainsi, la nature du lien d’emploi n’importe plus. En effet, le recours à des travailleurs handicapés par le biais de stages ou de périodes de mise en situation professionnelle se traduit par une comptabilisation de ces travailleurs dans le taux d’emploi au prorata de leur temps de travail. Dans cette perspective, le plafond de 2 % de l’effectif total de l’entreprise fixé pour l’accueil de stagiaires ou de personnes handicapées pour des périodes de mise en situation professionnelle au titre de l’obligation d’emploi est supprimé.
En revanche est favorisé le recrutement de certaines catégories de bénéficiaires puisque l’article D. 5212-3 du Code du travail dispose que le nombre des bénéficiaires de l’obligation d’emploi âgés d’au moins 50 ans pris en compte dans le calcul de l’effectif total des bénéficiaires de l’obligation d’emploi est égal au produit du nombre de bénéficiaires de l’obligation d’emploi âgés d’au moins 50 ans par 1,5. Pour l’établissement de ce calcul, sont pris en compte les bénéficiaires qui atteignent l’âge de 50 ans au cours de l’année civile.
B. De nouvelles dispositions relatives à l’acquittement de l’obligation d’emploi par application d’un accord collectif agréé
L’une des trois modalités permettant à l’employeur de s’acquitter de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés consiste à conclure un accord collectif et à le faire agréer par les autorités administratives compétentes. Les employeurs peuvent continuer à s’acquitter de l’obligation d’emploi en faisant application d’un accord de branche, d’un accord de groupe ou d’un accord d’entreprise. En revanche, depuis le 1er janvier 2020, les accords agréés ne peuvent plus être conclus au niveau d’un établissement (Loi n° 2018-177 du 5 septembre 2018, art.67-IV).
Depuis le 1er janvier 2020, la durée des accords nouvellement conclus est limitée à 3 ans, renouvelable une fois (C. trav., art. L. 5212-8). À titre transitoire, les accords agréés avant le 1er janvier 2020 continueront à produire leurs effets jusqu’à leur terme, et pourront être renouvelés une fois pour une durée maximale de 3 ans, à l’exception des accords d’établissement qui ne pourront pas être renouvelés.
Le décret n° 2019-521 du 27 mai 2019 (JORF du 29 mai 2019) précise le contenu de l’accord en vue de son agrément. L’accord doit prévoir un programme pluriannuel qui devra, comme auparavant, comporter un plan d’embauche et un plan de maintien dans l’emploi dans l’entreprise. Ces plans doivent être assortis d’objectifs, dont, pour chaque année d’exécution du programme, le nombre de bénéficiaires de l’obligation d’emploi rapporté à l’effectif d’assujettissement et le nombre de ces bénéficiaires dont le recrutement est envisagé (C. trav., art. R. 5212-12). Le financement prévisionnel des différentes actions programmées devra également être précisé (C. trav., art. R. 5212-12).
Le décret susmentionné détaille les règles de calcul des sommes consacrées au financement des actions envisagées par l’accord. Le budget dédié à la mise en œuvre de l’accord ne doit, ainsi, pas être inférieur au montant de la contribution qui aurait dû être versée à l’Agefiph si l’accord n’avait pas été conclu et agréé, à l’exclusion des dépenses prises en compte au titre de la déduction. Le montant du financement devra être révisé chaque année sur la base du montant de la contribution qui aurait dû être versée l’année précédente. Le budget prévisionnel de l’accord est fongible d’une année sur l’autre pendant la durée de l’accord : autrement dit, les sommes non dépensées une année peuvent être reportées sur l’année suivante (C. trav., art. R. 5212-12 et R. 5212-13).
L’accord doit être transmis pour agrément par la partie la plus diligente à l’autorité administrative compétente au plus tard le 31 mars de la première année de mise en œuvre du programme (C. trav., art. R. 5212-14). L’article R. 5212-15 du Code du travail indique quelles sont les autorités administratives compétentes pour délivrer l’agrément. Pour l’accord de branche, il s’agit du ministre chargé de l’emploi. Pour l’accord d’entreprise, il s’agit du préfet du département où est situé le siège de l’entreprise. Enfin, pour les accords de groupe, le préfet du département où est situé le siège de l’entreprise dominante définie à l’article L. 2331-1 du Code du travail est compétent pour agréer ces accords. L’article R. 5212-15 précise que l’agrément est délivré pour la durée de validité de l’accord et que l’autorité administrative compétente prend en compte la nature, la portée et la cohérence des différentes actions envisagées ainsi que le respect des conditions mentionnées à l’article R. 5212-12.
Les modalités de demande ou de renouvellement d’agrément d’accords relatifs à l’emploi des travailleurs handicapés ont été précisées par un arrêté du 25 novembre 2019 (JORF du 3 décembre 2019).
Le renouvellement de l’agrément est accordé après présentation, selon les cas, au comité social et économique ou au comité de groupe, ou après examen par la branche, du bilan du programme exécuté et de la demande de renouvellement (C. trav., art. R.5212-18, al. 2). Le renouvellement de l’agrément est apprécié au regard du bilan quantitatif et qualitatif du programme réalisé et du nouveau programme pluriannuel élaboré (C. trav., art. R.5212-18, al. 3). En cas de renouvellement de l’agrément, l’autorité administrative pourra autoriser le report total ou partiel des sommes équivalentes aux dépenses prévues par l’accord et non réalisées sur le nouveau programme. À défaut de renouvellement, le montant différentiel qui aurait dû être effectivement dépensé dans le cadre de l’accord devra être versé à l’URSSAF ou à la MSA (C. trav., art. R. 5212-19).
C. Des changements aussi concernant le versement d’une contribution à l’Agefiph
Pour s’acquitter de son obligation d’emploi de travailleurs handicapés, l’employeur peut verser à l’Association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) une contribution financière annuelle pour chaque bénéficiaire de l’obligation d’emploi qu’il aurait dû employer (C. trav., art. L. 5212-9). Depuis le 1er janvier 2020, le recouvrement de la contribution auparavant assuré par l’Agefiph a été transféré aux URSSAF ou aux caisses de MSA dont relève l’employeur (C. trav., art. L.5212-9).
La contribution annuelle, avant déductions, est égale au produit du nombre de travailleurs handicapés bénéficiaires de l’obligation d’emploi manquant[2] par un montant forfaitaire déterminé en fonction de l’effectif d’assujettissement de l’entreprise (C. trav., art. D 5212-20). Ce montant s’élève à 400 fois le SMIC horaire pour les entreprises de 20 à moins de 250 salariés ; 500 fois le SMIC horaire pour les entreprises de 250 à moins de 750 salariés et à 600 fois le SMIC horaire pour les entreprises de 750 salariés et plus. L’article D 5212-20 du Code du travail précise que le SMIC horaire est pris en compte pour sa valeur brute applicable au 31 décembre de l’année au titre de laquelle la contribution est due. Les modalités de détermination de la contribution n’ont pas été considérablement modifiées, le seul changement opéré concerne le barème de calcul avec un passage du seuil de 199 à 250 salariés pour se conformer aux seuils de droit commun.
Pour les employeurs n’ayant employé aucun travailleur handicapé bénéficiaire de l’obligation d’emploi ou n’ayant pas conclu de contrat de fournitures, de sous-traitance ou de prestations de services d’un montant supérieur, sur 4 ans, à 600 fois le SMIC horaire brut, ou n’ayant pas conclu d’accord pendant une période supérieure à 3 ans, le montant à prendre en compte pour le calcul de la contribution est fixé à 1500 fois le SMIC horaire, quel que soit le nombre de salariés employés (C. trav., art. L. 5212-10 et D 5212-21).
Il est à noter que le montant minimal de la contribution due fixé par l’article D. 5212-20 dans sa version antérieure au 1er janvier 2020 a disparu. En revanche, un montant maximal est désormais fixé par l’article L. 5212-10 du Code du travail. Celui-ci indique ainsi que la contribution annuelle ne peut excéder la limite de 600 fois le salaire horaire minimum de croissance par bénéficiaire non employé.
Avant le 1er janvier 2020, le montant de la contribution due à l’Agefiph pouvait être modulé à la baisse pour deux raisons. La première était liée aux efforts consentis par certaines entreprises pour favoriser l’emploi direct de certaines catégories de bénéficiaires de l’obligation d’emploi et le maintien dans l’emploi de travailleurs handicapés, et notamment les plus lourdement handicapés. La seconde était liée à l’existence d’emplois exigeant des conditions d’aptitude particulières (Ecap) dont la liste est fixée par décret.
Depuis le 1er janvier 2020, les minorations du nombre de travailleurs handicapés manquants au titre des efforts consentis par l’employeur en matière de recrutement direct de bénéficiaires de l’obligation d’emploi ou de maintien dans l’emploi sont supprimées. Seule la minoration du nombre de travailleurs handicapés manquants relative aux Ecap subsiste.
Le coefficient de minoration, prévu au titre des Ecap listés par l’article D. 5212-25 du Code du travail, n’a pas été révisé (un décret était attendu avant fin 2019, mais il n’est toujours pas paru). Ce coefficient est donc toujours égal à 1 moins 1,3 fois le pourcentage de l’effectif des salariés occupant des Ecap. Ce pourcentage est calculé par rapport à l’effectif total des salariés de l’établissement (C. trav., art. D. 5212-24). Soulignons que la référence inchangée à l’effectif de l’établissement ne manquera pas soulever des difficultés. En revanche, les modalités particulières de calcul de la contribution due à l’Agefiph dans les établissements, dont le pourcentage d’Ecap atteint au moins 80 %, sont supprimées.
Par ailleurs, les employeurs ont toujours la possibilité de déduire directement du montant de leur contribution les dépenses qui ne leur incombent pas en application d’une disposition législative ou réglementaire, mais qu’ils ont directement supportées pour favoriser l’accueil, l’insertion ou le maintien dans l’emploi de travailleurs handicapés au sein de l’entreprise (C. trav., art. L. 5212-11).
La liste de ces dépenses déductibles est désormais fixée par l’article D. 5212-23 du Code du travail. Sont ainsi éligibles les dépenses relatives à la réalisation de diagnostics et de travaux afin de rendre les locaux de l’entreprise accessibles aux bénéficiaires de l’obligation d’emploi ; celles relatives au maintien dans l’emploi au sein de l’entreprise et à la reconversion professionnelle de bénéficiaires de l’obligation d’emploi par la mise en œuvre de moyens humains, techniques ou organisationnels compensatoires à la situation de handicap, à l’exclusion des dépenses déjà prises en charge ou faisant l’objet d’aides financière délivrées par d’autres organismes et enfin, celles liées aux prestations d’accompagnement des bénéficiaires de l’obligation d’emploi, aux actions de sensibilisation et de formation des salariés réalisées par d’autres organismes pour le compte de l’entreprise afin de favoriser la prise de poste et le maintien en emploi des bénéficiaires de l’obligation d’emploi.
L’article D. 5212-23 du Code du travail précise que le montant des dépenses déductibles est plafonné à 10 % de la contribution due.
À partir du 1er janvier 2020, l’employeur peut déduire du montant de la contribution due à l’Agefiph 30 % du prix hors taxes des contrats de fournitures, de sous-traitance ou de prestations de services passés avec des entreprises adaptées, des établissements ou services d’aide par le travail (ESAT) ou des travailleurs indépendants handicapés, duquel sont déduits les coûts des matières premières, des produits, des matériaux, de la sous-traitance, des consommations intermédiaires et des frais de vente et de commercialisation (C. trav., art. D. 5212-22), à condition que ce prix soit supérieur, sur 4 ans, à 600 fois le salaire horaire minimum de croissance brut (C. trav., art. D. 5212-21). La déduction est opérée dans la limite de 50 % du montant de la contribution due lorsque l’employeur emploie moins de la moitié du taux de travailleurs handicapés bénéficiaires de l’obligation d’emploi dans ses effectifs. Cette limite est portée à 75 % de ce montant lorsque l’employeur emploie au moins 50 % du taux fixé pour l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (C. trav., art. D. 5212-22, al. 2). En cas de contrats conclus par un groupement d’achats, le montant de la déduction est réparti entre les différents employeurs membres du groupement d’achat à due proportion de leurs dépenses respectives (C. trav., art. D. 5212-22, al. 3).
Au vu de ces nombreux changements, il est à craindre des hausses de contribution importantes qui résulteraient de la réforme de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés. Espérons que les entreprises entreprennent de mettre en œuvre des stratégies favorables à l’emploi des personnes handicapées pour le conformer aux nouveaux contours de cette obligation.
Laurène Joly
[1] Il s’agit des travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ; des victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles ayant entraîné une incapacité permanente au moins égale à 10 % et titulaires d’une rente attribuée au titre du régime général de sécurité sociale ou de tout autre régime de protection sociale obligatoire ; des titulaires d’une pension d’invalidité attribuée au titre du régime général de sécurité sociale, de tout autre régime de protection sociale obligatoire ou au titre des dispositions régissant les agents publics à condition que l’invalidité des intéressés réduise au moins des deux tiers leur capacité de travail ou de gain des anciens militaires et assimilés, titulaires d’une pension militaire d’invalidité ; des bénéficiaires mentionnés à l’article L. 241-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ; des bénéficiaires mentionnés aux articles L. 241-3 et L. 241-4 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ; des titulaires d’une allocation ou d’une rente d’invalidité attribuée dans les conditions définies par la loi n° 91-1389 du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service ; des titulaires de la carte « mobilité inclusion » portant la mention « invalidité » ; des titulaires d’une allocation aux adultes handicapés (AAH).
[2] Pour calculer le nombre de travailleurs handicapés manquants, il convient de soustraire au nombre de travailleurs handicapés que l’employeur est tenu d’engager le nombre de bénéficiaires de l’OETH employés directement.
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 : focus sur les mesures visant à « Protéger les Français contre les nouveaux risques »
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 (LFSS) a été votée le 24 décembre 2019 (loi n° 2019-1446, JO du 27 décembre). Son architecture, dictée par le Code de la Sécurité sociale (CSS, art. LO 111-3), est habituelle. La première partie comprend les dispositions relatives au dernier exercice clos (2018), la deuxième celles qui concernent l’exercice de l’année en cours (2019), la troisième les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir (2020), et la quatrième et dernière partie énonce les dispositions relatives aux dépenses pour l’année à venir (2020). La première partie fait apparaître des résultats relativement satisfaisants pour l’exercice 2018 puisque toutes les branches du régime général sont bénéficiaires, à l’exception de la branche maladie dont le déficit est néanmoins contenu (700 millions d’euros). Le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires est toutefois moins favorable car, si les branches accidents du travail-maladies professionnelles et famille sont bénéficiaires, les branches maladie et vieillesse sont respectivement déficitaires de 800 millions d’euros et de 100 millions d’euros. Les prévisions pour 2019 sont par ailleurs préoccupantes : à l’échelle de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, seule la branche accidents du travail-maladies professionnelles serait bénéficiaire et, à l’échelle du régime général, outre la branche maladie qui resterait déficitaire, la branche vieillesse le redeviendrait aussi.
Les mesures prévues par la LFSS sont comme à l’habitude assez diverses. Elles font figure de passages obligés quand elles concernent les ressources financières de la Sécurité sociale, le système de santé et l’accès aux soins, la lutte contre la reproduction des inégalités sociales et territoriales, et l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Mais elles sont aussi renouvelées quand elles abordent la protection des Français « contre les nouveaux risques », c’est pourquoi ce sont ces thèmes qui retiendront plus particulièrement notre attention.
Le Titre II de la LFSS, « Promouvoir la justice sociale », débute en effet par un Chapitre 1er intitulé « Protéger les Français contre les nouveaux risques ». Ce chapitre comprend deux mesures phares.
La première mesure consiste dans l’instauration del’allocation journalière du proche aidant (LFSS, art. 68 et 69). Cette allocation désormais prévue par les articles L168-8 et suivants du code de la sécurité sociale prend place après les dispositions relatives à l’allocation journalière d’une personne en fin de vie, dans un chapitre VIII Bis intitulé « Allocation journalière du proche aidant » (Livre 1er, Titre VI).
La prestation est versée aux personnes qui bénéficient du congé de proche aidant prévu à l’article L3142-16 du code du travail, de même qu’aux salariés employés par des particuliers, aux voyageurs, représentants ou placiers et aux agents publics bénéficiaires de ce congé. Pour mémoire, l’article du code du travail précité énonce que tout salarié a droit à un congé de proche aidant lorsque certaines personnes, limitativement énumérées, présentent un handicap ou une perte d’autonomie d’une gravité particulière. On notera que, si la liste des ouvrants droit n’a pas été modifiée par la LFSS, les conditions tenant au bénéficiaire du congé ont été élargies, la référence à l’ancienneté minimale de un an dans l’entreprise ayant été supprimée (LFSS pour 2020, art. 68, III). Les ouvrants droit sont en revanche toujours le conjoint du travailleur, son concubin, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, un ascendant, un descendant, un enfant dont il assume la charge au sens de l’article L512-1 sur le bénéfice des prestations familiales, un collatéral jusqu’au 4e degré, un ascendant, un descendant ou un collatéral jusqu’au 4e degré de son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité. Venant malgré tout introduire un peu de souplesse dans cette liste qui appuie le droit au congé sur une référence à des liens familiaux précis, est enfin visée la personne âgée ou handicapée avec laquelle le salarié « réside ou avec laquelle il entretient des liens étroits et stables, à qui il vient en aide de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne » (C. trav., art. L3142-16, 9°). Jusqu’alors, ce congé n’était pas indemnisé.
L’allocation journalière du proche aidant (AJPA) instaurée par la LFSS y remédie. Elle sera servie et contrôlée par les organismes débiteurs des prestations familiales pour le compte de la Caisse nationale de solidarité, cette dernière devant leur rembourser, outre les sommes versées au titre de l’allocation, les frais de gestion que ces versements génèrent. L’aidant doit en faire la demande et, en cas de refus, il devra exercer un recours amiable avant tout recours contentieux.
Cette nouvelle allocation dont il faut saluer la création répond aux recommandations du rapport de Dominique Libault, pilote de la concertation « Grand âge et autonomie », remis le 28 mars 2019 à la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn et invitant à la reconnaissance du statut de proche aidant au travail. Parmi les 175 propositions formulées, figurait ainsi l’indemnisation du congé de proche aidant et la négociation obligatoire dans les branches professionnelles pour mieux concilier la vie professionnelle avec le rôle de proche aidant.
L’instauration de l’AJPA est donc une bonne nouvelle même si son régime juridique, qui doit encore être assez largement précisé par décret, est encore entouré de quelques zones d’ombre. On attend en particulier que son montant soit précisé même si l’on sait déjà que le principe est posé d’une majoration lorsque l’aidant est une personne isolée (CSS, art. L168-9, al. 1). Le texte prévoit aussi que ce montant pourra être modulé pour le bénéficiaire du proche aidant qui choisira de fractionner son congé ou de le transformer en période d’activité à temps partiel, conformément à la possibilité qui lui est donnée par l’article L3142-20 du Code du travail (CSS, art. L168-9, al. 2). Là encore, un décret est attendu pour fixer les modalités de la modulation, comme du reste pour dire quel est le nombre maximal d’allocations journalières qui pourront être versées au bénéficiaire au cours d’un même mois civil. La seule certitude est que le nombre maximal d’indemnités journalières ouvert à un bénéficiaire pour l’ensemble de sa carrière est égal à… 70 (CSS, art. L168-9, al. 4) ! Pour ceux qui attendaient un vrai statut autorisant une pause professionnelle économiquement compensée pendant une durée significative ou, à tout le moins, fixée en accord avec la réalité des situations de perte d’autonomie qui peuvent s’installer dans le temps, la désillusion sera grande. Reste à espérer que le montant de l’AJPA sera supérieur au montant actuel et modique de l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie : 56,10 € brut pour une suspension complète d’activité, 28,05 € brut pour une suspension partielle.
Le texte poursuit en précisant les situations incompatibles avec le bénéfice de l’AJPA (CSS, art. L168-10). Ainsi, logiquement, l’allocation n’est pas due quand le proche aidant est employé par une personne âgée bénéficiaire de l’allocation personnalisée d’autonomie ou par une personne handicapée de sa famille, puisque l’aidant est alors rémunéré. L’AJPA n’est pas davantage cumulable avec l’indemnisation des congés de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant ou d’adoption et, dans le même ordre d’idées, avec l’indemnité d’interruption d’activité ou d’allocation de remplacement pour maternité ou paternité, avec la prestation partagée d’éducation de l’enfant, avec l’allocation journalière de présence parentale, avec l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie, toutes ces prestations ayant déjà vocation à compenser la perte des revenus du travail consécutive à la suspension de l’activité professionnelle pour des raisons familiales. Enfin, l’AJPA ne peut être cumulée ni avec les indemnités journalières versées pour la maladie ou au titre des risques professionnels (accident du travail, maladie professionnelle, accident du trajet) ni avec les allocations servies aux demandeurs d’emploi. Là encore, l’interdiction s’explique par le fait que la perte du revenu professionnel est déjà compensée par une prestation spécifique.
La seconde mesure phare concernel’indemnisation des victimes de pesticides (LFSS, art. 70). Elle fait suite aux propositions du rapport présenté par Dominique Potier début 2019 à l’Assemblée nationale (Rapport n° 1597 fait au nom de la Commission des affaires sociales sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, 23 janvier 2019).
Ce rapport soulignait notamment que s’il existait bien deux tableaux de maladies professionnelles spécifiques en matière de pesticides dans le régime agricole (tableaux 58 et 59), ces tableaux n’avaient pas d’équivalents dans le régime général. Il relevait aussi qu’environ 10 000 victimes professionnelles potentielles n’étaient pas indemnisées, tant parce que le lien de causalité entre la maladie et l’exposition aux substances nocives était difficile à établir que parce que les régimes de responsabilité existants étaient difficiles à mobiliser. Il soulignait enfin la nécessité de dépasser la question du risque professionnel pour prendre en compte la situation des personnes concernées par une exposition environnementale. Pour tenter de remédier à ces insuffisances et conformément aux propositions du Rapport Potier qui se référait aux exemples du Fonds d’indemnisation des hémophiles et transfusés de 1989 et du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante de 2001, la LFSS crée un nouveau fonds d’indemnisation spécifique. Elle ajoute aussi un Titre IX au livre IV du code de la sécurité sociale consacré aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, les nouveaux articles L491-1 à L491-7 qui le composent précisant ce qu’il faut entendre par maladie causée par les pesticides, quelles victimes ont vocation à être indemnisées et quelles sont les modalités de l’indemnisation.
Les maladies indemnisables sont celles causées par les pesticides, au sens de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 qui instaure un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, faisant ou ayant fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché sur le territoire de la République française.
La liste des victimes admises à l’indemnisation dressée par le nouvel article L491-1 du code de la sécurité sociale est limitative. Ces dernières sont tout d’abord les personnes qui relèvent des régimes d’assurance obligatoire contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, les assurés du régime général ou du régime des salariés et des non-salariés des professions agricoles, et les assurés relevant du régime d’assurance accidents du code local des assurances sociales en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. Le texte envisage par ailleurs une indemnisation fondée sur la solidarité nationale et identifie à ce titre d’autres victimes indemnisables : parmi elles sont notamment visés les anciens exploitants, leurs conjoints et les membres de la famille bénéficiaires d’une pension de retraite agricole prévue aux articles L732-18 et L732-34 du code rural et de la pêche maritime qui ont cessé leur activité non-salariée agricole avant le 1er avril 2002. Sont encore mentionnés les enfants atteints d’une pathologie résultant directement de leur exposition prénatale du fait de l’exposition professionnelle de l’un ou l’autre de leurs parents aux pesticides visés par la directive précitée.
Les victimes indemnisables au titre de la législation sur le risque professionnel, outre les prestations et indemnités prévues par leur régime de sécurité sociale qu’elles percevront, pourront également prétendre à une réparation forfaitaire. Les enfants affectés d’une pathologie liée à leur exposition prénatale bénéficieront quant à eux d’une indemnité destinée à réparer leurs dommages corporels dans des conditions définies par un décret en Conseil d’État (à venir). Dans tous les cas, ces réparations forfaitaires ne font pas obstacle à l’engagement d’une action juridictionnelle, selon les voies de recours du droit commun, pour obtenir une indemnisation supplémentaire. Toutes les victimes indemnisées conservent ainsi la possibilité d’agir en réparation complémentaire intégrale en recherchant la responsabilité des auteurs potentiellement fautifs. Même si l’on sait la difficulté d’une telle entreprise, l’actualité récente l’a montré avec l’affaire Monsento, cette possibilité, qui n’est pas donnée aux victimes de l’amiante, n’en est pas moins intéressante.
L’indemnisation forfaitaire est financée par un nouveau fonds adossé à la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole : le fonds d’indemnisation pour les victimes de maladies professionnelles liées aux pesticides (art. L723-13-3 du code rural et de la pêche maritime). Ce fonds, dont les dépenses devraient atteindre 53 M€ d’ici à 2022, est notamment alimenté par le produit de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques (art. L235-8-2 du code rural et de la pêche maritime) et par des contributions des branches AT-MP du régime général, du régime des non-salariés des professions agricoles et du régime local d’Alsace-Moselle.
Par ailleurs, ce fonds est compétent pour centraliser et instruire les demandes de reconnaissance des maladies professionnelles des personnes qui relèvent des régimes d’indemnisation des risques professionnels. C’est lui qui se prononce sur le caractère professionnel de la pathologie du demandeur au regard des conditions posées par les règles applicables au régime de sécurité sociale dont il relève, ainsi que sur l’imputabilité de la pathologie aux pesticides visés par le texte. Il détermine aussi, le cas échéant, la date de consolidation de l’état du demandeur et son taux d’incapacité permanente. Il transmet ensuite sa décision aux caisses de sécurité sociale concernées afin qu’elles liquident les prestations et les indemnités prévues par le régime de sécurité sociale de la victime, en tenant compte du complément d’indemnisation prévu.
Ce fonds d’indemnisation instruit par ailleurs les demandes relatives aux enfants et se prononce sur leur droit à réparation au titre de la solidarité nationale. Le demandeur ou son représentant légal doit produire les éléments de nature à établir l’exposition aux pesticides et à justifier de son état de santé. Afin d’apprécier si le lien de causalité entre l’exposition et la pathologie est établi, le fonds procède ou fait procéder aux investigations et expertises utiles sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret des affaires. Il doit ensuite présenter au demandeur une offre d’indemnisation dans les 6 mois de la réception de sa demande. Cette offre doit mentionner l’évaluation retenue pour chacune des prestations auxquelles l’intéressé peut prétendre, après déduction des indemnités qui lui reviennent compte tenu des prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice. À défaut de consolidation de l’état de la victime, l’offre présentée par le fonds a un caractère provisionnel. Le fonds doit présenter une offre dans les mêmes conditions en cas d’aggravation de l’état de santé de la victime.
Maryse Badel
Ont participé à ce numéro
Maryse Badel
Laurène Joly
Sébastien Tournaux
Mise à jour le 14/01/2020